Un Suisse sur quatre serait touché par les acouphènes, des bruits parasites qui résonnent dans les oreilles et la tête. Selon leur intensité, ils peuvent transformer la vie de ceux qui en souffrent en cauchemar. Comment y faire face ?
Imaginez le bruit d’une cocotte-minute qui vous poursuit partout jusque dans votre lit la nuit. Le bruit d’un robinet qui coule, coule, coule… Un bourdonnement incessant d’insectes qui, à défaut de vous piquer, vous empoisonnent la vie. Voici ce que vivent des millions de gens atteints d’acouphènes. Cela se manifeste par la perception de bruits de manière continue ou intermittente dans les oreilles ou dans la tête. Des sifflements ou bourdonnements qui ne proviennent pas de l’extérieur, mais bien de l’intérieur de la personne. On estime qu’un Suisse sur quatre en souffre. Dans 44 % des cas, les acouphènes s’accompagnent d’une intolérance aux bruits appelée hyperacousie. Les origines de ces symptômes sont variées.
« Certains acouphènes apparaissent de manière très progressive dans le temps et commencent par être entendus de manière intermittente dans des environnements particulièrement calmes avant d’être perçus en permanence. D’autres, au contraire, surviennent brusquement », explique l’association des Acouphènes dans son livre Acouphènes, hyperacousie, maladie de Menière, neurinome de l’acoustique. Un traumatisme sonore est souvent le déclencheur : explosion, pétard, musique trop forte en discothèque ou concert. Les acouphènes peuvent aussi être liés à la prise de médicaments toxiques pour l’oreille, à une maladie ou infection, à un accident de plongée, à une période de fatigue intense, un surmenage ou un choc émotionnel. Jeunes, adultes ou seniors, tout le monde est concerné.
De graves répercussions sur la vie quotidienne
On distingue les acouphènes objectifs, liés à une maladie sous-jacente (qui peuvent être entendus par l’entourage ou le médecin lors d’un examen) des acouphènes subjectifs (que seule la personne perçoit). Ces derniers sont les plus fréquents (95 %). Parfois, une simple obstruction du conduit auditif externe par un bouchon de cérumen, un kyste ou même une otite provoque ces symptômes.
Ce bruit permanent et entêtant, lorsqu’il est important, peut être source de stress et d’angoisse.
La majorité des acouphènes se situent le plus souvent au niveau de l’oreille interne et vont de pair avec une perte auditive. Lorsqu’ils durent plus de six mois, ils sont considérés comme chroniques. Pour ceux qui les garderont à vie, le quotidien ne sera plus jamais le même. Les répercussions sur la vie des personnes sont en effet non négligeables, voire dévastatrices. Ce bruit permanent et entêtant, lorsqu’il est important, peut être source de stress et d’angoisse. Comment ne pas devenir fou ? Les espoirs de guérison étant minces ou inexistants, il faut malheureusement apprendre à vivre avec. Plus facile à dire qu’à faire. Dépression, idées noires… Certains finissent parfois par commettre l’irréparable.
Quand consulter ?
Selon l’association des acouphènes, « lorsque des acouphènes apparaissent puis s’installent, il est prudent de consulter un ORL dans un délai raisonnable, afin qu’un bilan clinique et une audiométrie soient effectués ». Les investigations de ce spécialiste permettront d’éliminer les très rares causes graves d’acouphènes relevant de la chirurgie. En cas de traumatisme sonore et d’apparition brutale d’une surdité, demandez une consultation en urgence (sous 48 h) afin d’obtenir les meilleures chances de récupération de l’audition.
En cas d’acouphènes subjectifs, les traitements existent, mais permettent le plus souvent de limiter la gêne à défaut de la faire disparaître. On parle alors de « solutions d’habituation » permettant de soulager et de soutenir les personnes qui sont atteintes : aides auditives, médicaments, accompagnement psychothérapeutique et émotionnel, sophrologie, hypnose, ostéopathie, acupuncture… Selon la perte auditive et l’importance de la gêne, on peut avoir recours à la thérapie par le bruit (éviter le silence ou écouter quotidiennement des bruits blancs) et aux thérapies cognitives et comportementales.
Quelles précautions prendre ?
Les personnes souffrant d’acouphènes doivent éviter de s’exposer à des bruits trop forts, aussi bien dans leur environnement professionnel que durant leurs loisirs. À défaut, il est conseillé de porter des protections (casque ou bouchons d’oreille). Il faut aussi savoir que l’excès d’alcool exacerbe souvent les acouphènes. Pour se détendre, mieux vaut opter pour la pratique d’un sport ou de techniques de relaxation. Autre conseil : éviter le silence en privilégiant l’écoute d’un bruit de fond à faible intensité. Même si le premier réflexe peut parfois être de s’isoler, il faut au contraire veiller à garder une vie sociale, en participant par exemple à des groupes de paroles organisés par des associations. Enfin, si vous souffrez d’acouphènes, n’oubliez pas de le signaler à votre médecin afin qu’il ne vous prescrive pas de médicaments toxiques pour l’oreille susceptible d’amplifier les symptômes.
Diapason : jouer pour se soigner
La start-up rennaise Immersive Therapy a mis au point une application sur smartphone qui permet aux personnes souffrant d’acouphènes de suivre une thérapie numérique personnalisée.
Le smartphone, ce compagnon qui nous accompagne toute la journée et nous divertit à nos heures perdues, peut aussi être un outil pour lutter contre les acouphènes. C’est le par i relevé par la start-up rennaise Immersive Therapy qui, après deux ans de recherche et développement, a lancé au début de l’année son application mobile baptisée Diapason. Le but ? Proposer aux personnes souffrant d’acouphènes de réduire la gêne ressentie grâce à un ensemble d’activités, souvent ludiques, accessibles depuis son smartphone (Android et iOS). À l’origine : un ingénieur, Lilian Delaveau, et deux enseignants chercheurs, Catherine Soladié et Renaud Séguier. Même si elle se veut ludique, l’application a été reconnue par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) comme un dispositif médical. Elle intègre tout un ensemble de méthodes validées scientifiquement. C’est d’ailleurs là tout l’intérêt.
Le projet est accompagné par le Docteur Alain Londero, ORL et expert des acouphènes en France. « Nous n’avons rien inventé. L’application s’inspire de méthodes dont il a été prouvé qu’elles amélioraient la qualité de vie des patients, notamment la rééducation acoustique et les thérapies cognitives et comportementales », explique Lilian Delaveau. Une fois l’application téléchargée, l’utilisateur remplit un questionnaire permettant d’évaluer la nature des acouphènes et la gêne qui en résulte. Il doit ensuite reproduire le son qu’il perçoit habituellement grâce à un outil de mesure précis. En partant de ces informations, Diapason va ensuite générer un son thérapeutique personnalisé qui sera utilisé dans plusieurs activités de soins. Les créateurs ont aussi intégré des contenus permettant de mieux comprendre le fonctionnement de l’oreille et les mécanismes du corps liés aux acouphènes. « C’est un moyen de rendre le patient expert de sa maladie », souligne Lilian Delaveau.
L’application donne accès à quatre programmes différents selon les besoins : améliorer son humeur, diminuer son stress, améliorer son sommeil ou sa concentration. Avec là encore des activités présentées sous forme de questionnaires ou de jeux. Citons par exemple ce Tétris sonore dont le but est d’insérer les briques à l’endroit où le son est le plus élevé. Une autre consiste à reconstituer des constellations, étoile par étoile, toujours selon le même principe. « Nous faisons en sorte que le bruit de l’acouphène ne soit plus associé à une réaction négative en changeant dans le cerveau sa valeur », détaille Lilian Delaveau. Un suivi hebdomadaire permet d’évaluer la progression de l’utilisateur et l’éventuelle amélioration des symptômes. Deux études cliniques sont actuellement menées au CHU de Rennes auprès de patients-utilisateurs afin de valider scientifiquement l’apport de cette thérapie numérique.